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LA FAUSSE GUENIÈVRE

très riche, comme il convenait à un si haut seigneur, et la dame lui dit :

— Certes, si vous étiez prud’homme, je vous devrais plaire et vous auriez grande joie de ce que Dieu nous a remis ensemble. Mais, si Notre Sire le veut, celle qui nous a séparés aura sa récompense, et, si elle ne paye en ce monde, elle payera dans l’autre.

Là-dessus ils se mirent au lit et menèrent cette nuit-là très bonne vie. Ainsi en fut-il tout l’hiver, et, par le poison que la dame lui donna chaque jour à boire, le roi commença de l’aimer. Pourtant, quand vinrent Pâques, il dit qu’il ne pouvait plus souffrir de n’avoir nouvelles de sa gent.

— Dieu m’aide ! dit la fausse Guenièvre, vous ne sortirez jamais de ma prison, car je ne sais que trop que je vous perdrais si vous retourniez en votre terre. Et j’aime mieux de vous avoir pauvre que de vous savoir seigneur du monde entier, loin de moi.

— Belle très douce amie, je vous aime plus que nulle autre, et pourtant je pensais qu’aucune femme ne peut valoir celle qui m’a trompé par sa déloyauté : car il n’y a pas de dame de plus grand sens qu’elle, ni de si grande courtoisie, et si douce, si débonnaire, si généreuse. On disait dans toute la Bretagne qu’elle était l’émeraude des dames.

Ainsi le roi louait sa femme devant celle qui en voulait la ruine. Mais toujours la fausse Gue-