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GALEHAUT SIRE DES ÎLES LOINTAINES

pénétré, à moins qu’il n’eût jamais, même en pensée, faussé ses amours.

Depuis vingt ans, nul des chevaliers errants qui avaient franchi la muraille d’air n’avait pu la repasser, et il y en avait déjà deux cent cinquante-quatre ; aussi appelait-on ce lieu le Val des Faux Amants ou le Val Sans Retour. Les dames, les demoiselles, les écuyers y entraient et en sortaient à leur guise : c’est ainsi que beaucoup des prisonniers avaient leurs amies par amour avec eux, et leurs valets qui les servaient et leur apportaient leurs rentes, leurs vêtements, leurs oiseaux ; et ils logeaient dans de riches maisons ; et l’on voyait là des chapelles où chaque jour la messe était chantée. Mais tous attendaient le cœur doux, humble et fidèle sans reproche, qui les pourrait délivrer.

Quand Galessin eut un peu cheminé dans le Val, il trouva une porte basse devant laquelle il mit pied à terre. Elle ouvrait sur un escalier qui le mena dans un souterrain tout blanc. Là, quatre dragons enchaînés par la gorge, mauvais et forts et féroces à miracle, qui léchaient leurs ongles sanglants, se levèrent en le voyant, s’étirèrent et dressèrent leurs crêtes terriblement ; telle était leur force qu’ils enfonçaient leurs griffes dans le sol, qui était de pierre de grès aussi aisément que dans du beurre. Mais Galessin embrasse son écu, dégaine son épée et s’avance entre eux : aussitôt ils l’assaillent