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LE CHEVALIER À LA LITIÈRE

drap de soie, et, le cinquième, il partit. Tant pour n’être pas reconnu qu’afin de ne rien devoir désormais qu’à sa propre prouesse, il voulut laisser l’écu à trois bandes vermeilles que lui avait envoyé la Dame du Lac. Et il en prit un, de sinople et d’argent, qu’il avait envoyé acheter dans une ville voisine.

La litière allait doucement, portée par deux bons palefrois, et le malade dormait profondément, lorsqu’une dame vint à passer, qui chevauchait escortée de vingt fer-vêtus, dessous un dais que soutenaient quatre valets. Sa robe était de soie vermeille, son manteau fourré d’hermine, et, bien que voilée, elle semblait belle à merveille.

— Qu’a donc ce chevalier ? demanda-t-elle.

Ce disant, elle descendit de sa mule, vint à la litière, souleva la couverture et, dès qu’elle eut aperçu le visage du malade, elle se prit à lui baiser les yeux et la bouche en pleurant. Lancelot reconnut la dame de Nohant et tenta aussitôt de cacher son visage.

— Ce n’est pas la peine ! fit-elle tristement.

Et elle le supplia de venir chez elle où il serait mieux soigné qu’en aucun lieu du monde. À quoi, de guerre lasse, il consentit. Ainsi cheminèrent-ils à petites journées, couchant dans deux pavillons très riches que la dame faisait transporter sur ses sommiers et qu’on dressait chaque nuit.