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LES AMOURS DE LANCELOT DU LAC

— Ha ! maître, pour Dieu, apprenez-moi comment je pourrai être secouru, si c’est possible.

— Je t’apprendrai à guérir cœur malade et cœur désespéré, et c’est une très belle médecine, car le cœur d’un homme vaut tout l’or d’un pays. Et voici comment tu feras :

« Dès que tu le pourras, tu t’en iras visiter tes bonnes villes et rendre justice à chacun selon son droit. Et tu manderas à toi les plus humbles chevaliers comme les hauts hommes ; et quand on te montrera quelque prud’homme qui n’aura d’autre bien que sa prouesse et qui se dissimulera entre les autres pauvres, tu te lèveras et tu iras t’asseoir auprès de lui et tu t’enquerras de lui. Et chacun dira : « Avez-vous vu comment le roi a quitté tous les riches pour ce modeste chevalier ? » Ainsi tu gagneras le cœur des basses gens ; et si les fols te le reprochent, peu t’en chaille ! Puis tu choisiras un de tes chevaux, sur lequel tu monteras ; tu iras vers ce pauvre chevalier, et, après avoir mis pied à terre, tu lui placeras la bride dans la main, en lui disant qu’il chevauche à l’avenir ce destrier pour l’amour de toi ; enfin tu lui feras largesse de tes deniers.

« Aux vavasseurs tu donneras aussi, mais autrement, car ils sont aisés dans leurs maisons. Tu leur donneras des rentes, des terres, des robes, des palefrois ; et prends garde d’avoir toujours monté auparavant les chevaux dont tu