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LES AMOURS DE LANCELOT DU LAC

paient çà et là, il plonge au milieu d’un groupe de gens d’armes, renverse du premier coup celui à qui il s’adresse, et, sa lance brisée, frappe des tronçons tant qu’ils durent ; puis il va prendre la seconde lance que lui apportait l’écuyer et joute avec toute l’adresse possible jusqu’à ce que son arme soit en morceaux ; et il use de même la troisième lance, la sienne. Mais, après cela, il retourne au bord de la rivière, s’arrête au lieu même d’où il était parti, et, tournant son visage vers la tribune, il se reprend à rêver.

— Dame, dit à la reine messire Gauvain, vous avez mal fait quand vous ne voulûtes être nommée au message qui fut envoyé à ce chevalier pensif : peut-être en a-t-il été offensé. Mandez-lui votre salut et que vous lui criez merci pour le royaume de Logres et l’honneur de monseigneur le roi, et qu’il combatte pour l’amour de vous, et que, si vous lui pouvez procurer honneur et joie, vous le ferez ensuite selon votre pouvoir. Je lui enverrai, pour ma part, dix bonnes lances et mes trois plus beaux chevaux couverts de mes armes. S’il veut, il emploiera bien tout cela.

— Beau neveu, mandez en mon nom ce qu’il vous plaira.

Messire Gauvain fit faire le message, et quand il l’eut reçu, Lancelot dit aux écuyers de le suivre, choisit la plus forte des lances et s’en