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LE NOIR CHEVALIER

fut à l’endroit où les gens du roi Ydier de Cornouailles combattaient ceux du roi Baudemagu de Gorre. Là, il laissa courre et commença de faire voler tout ce qu’il heurtait, abattant hommes et chevaux à la fois, arrachant les heaumes, trouant les écus et accomplissant tant d’exploits que Keu le sénéchal, Giflet fils de Dô, Yvain l’avoutre, Dodinel le Sauvage et Gaheriet le frère de monseigneur Gauvain, tous de la Table ronde, qui arrivaient à la rescousse, heaumes lacés, lances sur feutre, prêts à bien faire, n’en pouvaient croire leurs yeux.

Lorsque son premier destrier eut été tué sous lui, Lancelot sauta sur celui qu’un des écuyers lui présentait, l’étreignit rudement et replongea dans la mêlée, aussi frais que s’il n’eût pas encore mis l’épée à la main. Or le cheval était couvert des armes de monseigneur Gauvain : les compagnons de la Table Ronde et tous les gens du roi Artus en furent ébahis. Mais bien plus ceux de Galehaut, car aucun d’eux ne pouvait endurer les coups de Lancelot, et il passait au travers de leurs rangs droit comme carreau d’arbalète.

Cependant Keu appelait l’écuyer qui avait amené le destrier.

— Va tôt à Hervé de Rinel, lui dit-il, que tu vois là-bas, auprès de cette bannière mi-partie d’or et de sinople. Tu lui diras qu’il y a bien raison de se plaindre de lui, qui laisse ainsi