Page:Boulenger - Romans de la table ronde II, 1923.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
82
LES AMOURS DE LANCELOT DU LAC

mourir sans secours le meilleur chevalier qui ait jamais porté écu au col, et avec lui la fleur des compagnons du roi Artus. Certes, il en sera tenu pour mauvais jusqu’à sa mort.

— Dieu m’aide ! s’écria Hervé courroucé quand l’écuyer lui eut répété ces paroles, je suis trop vieux pour commencer de trahir à cette heure. Va devant et dis au sénéchal qu’il ne me tiendra pas pour traître.

Quand il sut la réponse de Hervé, Keu se prit à rire ; puis il demanda à l’écuyer quel était ce chevalier noir et pourquoi messire Gauvain lui envoyait ses destriers ; mais le valet répondit qu’il n’en savait rien, et le sénéchal, remettant son heaume qu’il avait ôté, retourna au combat.

Hervé fit ce jour-là plus d’armes qu’il ne convenait à son âge, car il avait quatre-vingts ans passés, et ses gens clamèrent si fort en courant à la rescousse, que le cri de « Hervé ! » domina un moment tous les bruits de la bataille ; messire Gauvain ne put s’empêcher d’en rire, tout malade qu’il fût. Galehaut étonné de voir ses hommes reculer, car ils étaient plus nombreux d’un quart que ceux du roi Artus, se porta en personne de ce côté, et il aperçut le noir chevalier, dont le troisième destrier venait d’être tué, entouré d’une telle presse que les siens ne pouvaient l’approcher pour le remonter ; mais il frappait à droite et à gauche