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DEUIL DE LA REINE

et qu’on nommait la Fontaine aux Fées parce qu’on y avait vu souvent de très belles dames dont personne jamais n’avait rien su. Elle mit là pied à terre avec sa suite, et, d’abord qu’on eut ôté son heaume au chevalier inconnu, elle reconnut Bohor. Elle s’empressait à le panser, car il était durement navré, lorsqu’un chevalier parut à l’orée de la clairière, vêtu des armes de Lancelot, pour qui tout le monde le prit. Hélas ! il passa près de la reine et disparut sous les arbres sans sonner mot, de sorte qu’elle vit assez que ce n’était pas son ami. Et aussitôt l’idée lui vint que Lancelot avait été vaincu par trahison, peut-être tué par celui qu’elle venait de voir, si bien qu’elle tomba évanouie ; puis elle commença de gémir, disant que la fleur de toute chevalerie était morte, arrachant ses beaux cheveux, meurtrissant son tendre visage et menant le plus grand deuil du monde.

Cependant Bohor avait repris ses sens. Quelle douleur il sentit quand il apprit la perte de Lancelot ! Sa plaie se remit à saigner et il pâma de nouveau. Alors on l’étendit dans une litière bien tapissée d’herbe fraîche, et la reine le ramena tristement à Camaaloth.

Peu après, le roi rentra de la chasse avec ses hauts barons, jovial comme celui qui n’a trouvé de tout le jour chose qui lui ait déplu. Mais la reine conta le malheur qui était arrivé, dont toute la cour fut consternée. Messire Gauvain,