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LE CHEVALIER À LA CHARRETTE

ront jamais délivrés par la reine, que je sache !

Alors Méléagant sortit de la salle et, remonté à cheval, il s’en fut vers la forêt, au petit pas et en regardant souvent en arrière pour voir si nul ne le suivait. Mais il n’y avait personne qui ne jugeât grande folie d’exposer la reine comme il l’avait proposé.

Toutefois Keu le sénéchal était allé s’armer dans sa maison ; il revint devant le roi, le heaume en tête et l’écu au col.

— Sire, dit-il, je vous ai servi de bon cœur, et plus par amour de vous que pour terres et trésors, mais je vois bien que vous ne m’aimez plus : aussi je quitte votre compagnie et votre maison.

Le roi aimait le sénéchal de grand cœur.

— À quoi, fit-il, vous êtes-vous aperçu que je vous aime moins ? Si l’on vous a fait aucune injure, dites-le-moi et je la réparerai si hautement que vous en tirerez honneur.

— Sénéchal, dit la reine à son tour, je vous prie de demeurer pour l’amour de moi ; et s’il est chose que vous désiriez, je vous la ferai avoir, quelle qu’elle soit. Messire le roi sera garant de ma promesse.

À quoi le roi s’engagea.

— Sire, reprit le sénéchal, je vous dirai donc quel est le don que vous venez de me faire : c’est que je conduirai madame la reine au chevalier qui sort d’ici pour le combattre et déli-