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KEU LE SÉNÉCHAL

vrer nos gens, car nous serions tous honnis, s’il partait de votre hôtel sans bataille.

À ces mots, le roi fut si irrité et chagrin qu’il parut au point d’en perdre le sens. Mais la reine fut plus dolente encore. Son cœur lui disait que Lancelot n’était pas mort, et, songeant que ce n’était pas lui qui allait la défendre, mais Keu, et qu’elle était en grand péril, il s’en fallut de peu qu’elle ne s’occît. Pourtant, quand son palefroi fut prêt, le roi l’envoya chercher dans sa chambre où elle pleurait de tout son cœur. En passant, elle regarda monseigneur Gauvain :

— Beau neveu, dit-elle, vous aviez raison : depuis la mort de Galehaut, toute prouesse a disparu.

— Montez, dame, et n’ayez crainte, fit Keu ; je vous ramènerai sauve, s’il plaît à Dieu.

Or, tandis que tous deux s’éloignaient, messire Gauvain disait au roi :

— Comment, sire, vous souffrez que madame la reine soit conduite dans la forêt par Keu le sénéchal, à qui sans doute elle sera ravie ! Et donc ce chevalier l’emmènera paisiblement !

— Oui, dit le roi, car je serais honni si aucun homme de ma maison intervenait. Certes, un roi ne doit se dédire de sa parole.

— Sire, reprit messire Gauvain, vous avez fait une grande enfance.

Et il résolut qu’il irait reconquérir la reine et