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LE SERPENT

les paroles disaient la dispute de Joseph d’Arimathie et de l’enchanteur Orpheus, qui fonda dans la marche d’Écosse le château des Enchanteurs. Quand il eut fini, le harpeur s’écria :

— Ha, sire Dieu, ne viendra-t-il jamais, celui qui me doit ôter de cette peine où je suis ?

Plaignant de la sorte, il s’en fut, et messire Gauvain allait le suivre, lorsqu’il aperçut à ses pieds un serpent si grand et si épouvantable que nul ne l’aurait vu sans peur. Il n’était pas de couleur que la bête n’eût sur le dos ; ses yeux rouges luisaient comme des charbons ardents, et elle allait au petit pas, jetant feu et flamme et jouant de sa queue comme un enfant de son hochet, si bien que messire Gauvain put voir qu’elle portait sur le front, en lettres rouges, le nom du roi Artus. Tout à coup, le serpent se mit à gémir et à se tordre comme une bête qui va enfanter ; puis il ouvrit la bouche d’où sortirent des serpenteaux jusques à cent, qui sur-le-champ l’attaquèrent, mais il se défendit, et si bien qu’il les tua tous ; après quoi il mourut à son tour de ses blessures. Et messire Gauvain comprit que ce devait être là une prophétie, mais il ne sut de quoi.

Soudain, un coup de foudre retentit et les bêtes disparurent. Le palais se mit à trembler, les fenêtres à battre le mur, les éclairs à luire et l’orage le plus félon dont on ait jamais ouï parler éclata, sauf qu’il ne pleuvait point ; sachez que