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LE CHÂTEAU AVENTUREUX

des roulements de tonnerre qu’il entendait messire Gauvain avait la cervelle retournée au point de ne plus savoir s’il était mort ou vif !

En cet état il vit venir douze pucelles, pauvrement vêtues, qui marchaient bellement l’une derrière l’autre, pleurant si fort qu’il n’était cœur au monde qui n’en dût avoir pitié ; il voulut se lever du lit pour les interroger, mais il ne le put, car il avait perdu toutes les forces de ses membres et de son corps. Elles passèrent dans la chambre voisine ; et voici tout aussitôt que l’orage cessa, qu’un vent merveilleusement doux traversa la pièce et qu’un concert commença, de voix suaves comme il n’en fut jamais en ce monde ; on ne comprenait pas bien ce qu’elles disaient, mais on sentait qu’elles chantaient la louange et la gloire de Dieu.

Et à ce moment reparut le pigeon blanc, portant au bec son encensoir d’or, et toutes les bonnes odeurs du monde se répandirent dans la chambre. Derrière l’oiseau venaient quatre petits enfants d’une beauté céleste, qui tenaient des cierges ardents, puis la belle demoiselle de la veille, élevant son vase précieux, voilé de soie vermeille ; et autour d’elle douze encensoirs se balançaient tenus par d’invisibles mains ; et cependant les voix chantaient toujours, plus doucement qu’un cœur d’homme ne le pourrait endurer, ni sa langue le dire.

Le cortège traversa la chambre et, dès qu’il