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LE CHÂTEAU AVENTUREUX

eusse. Or, quand il m’eut épousée, il me fit tout d’abord belle chère ; mais il commença bientôt de me chercher pouille. Si quelque chevalier venait en notre logis, il n’était de vilaines paroles qu’il ne me dît ; et il finit par se prendre d’une telle jalousie qu’il m’injuriait à tout propos.

« Il y a un an, messire Lancelot du Lac s’hébergea chez nous, et messire lui fit le plus bel accueil qu’il put, car il avait entendu parler de sa grande prouesse. Moi, je ne pus m’empécher de le regarder durant le souper, tant à cause de sa beauté que du bien qu’on m’avait appris de lui.

« — Dame, me dit mon mari quand il se fut retiré, vous avez beaucoup regardé monseigneur Lancelot ce soir. Qu’en pensez-vous ?

« — Sire, si je vous l’apprenais, vous m’en sauriez mauvais gré.

« Mais il jura que nul mal ne m’adviendrait quoi que je lui disse, et il insista tant, qu’à la fin je m’écriai, agacée :

« — Puisque vous voulez le savoir, il me semble qu’il y a autant de bien en ce seigneur, qu’en vous de mal. En lui, prouesse, hardiesse, hautesse, gentillesse, débonnaireté, courtoisie et largesse. En vous, justement les vices contraires à ces vertus, et vous devriez avoir autant de honte qu’il a d’honneur. Voilà pourquoi je le regardais si volontiers !

« À ces mots, mon mari entra dans un cour-