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LE SONGE DE LA REINE

toujours prudemment conduite. Et tous, pauvres et riches, s’inquiétaient de la maladie de leur dame, comme de l’absence de Lancelot et des chevaliers qui étaient partis en quête de lui, de manière que la cour était toute troublée.

Un soir que la reine s’était endormie, affaiblie de pleurer et jeûner comme elle faisait, elle rêva qu’elle entrait dans une chambre et qu’elle y trouvait Lancelot couché à côté de la plus belle demoiselle du monde. La douleur qu’elle eut de ce songe l’éveilla : elle sortit de son lit et, après avoir fait le signe de la croix, elle se mit à sangloter aussi fort que si elle eût vu finir le monde entier :

— Ha, disait-elle, beau doux ami, plût à Dieu que je vous visse couché avec une demoiselle, pourvu que vous fussiez sain et sauf !

À l’entendre gémir ainsi, une pucelle qui dormait dans la chambre eut grand’peur qu’elle ne tombât en frénésie, et elle lui aspergea le visage d’eau bénite en criant :

— Dame, voici le roi : sauvez-vous dans votre lit !

À ces mots, la reine, qui avait toujours beaucoup redouté son seigneur, se recoucha, et elle s’endormit de fatigue jusqu’au matin.

À son réveil, elle se trouva mieux et appela la pucelle :

— Belle cousine, lui dit-elle, me feriez-vous