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LE CHEVALIER CHARRETTÉ

le huèrent et lui jetèrent de la boue comme à un vaincu en champ clos. Et cela peinait fort monseigneur Gauvain, qui maudissait l’heure où les charrettes furent inventées.

Au château, une demoiselle lui fit grand accueil, mais elle dit au chevalier de la charrette :

— Sire, comment osez-vous regarder personne, vous qui êtes mené dans une charrette comme un criminel ? Quand un chevalier s’est ainsi déshonoré, il quitte le siècle et s’enfuit en quelque lieu où il ne soit jamais connu !

À cela encore, l’étranger ne répliqua rien ; il demanda seulement au nain quand il verrait ce qui lui avait été promis.

— Demain, à prime. Mais, pour cela, il faut nous héberger ici.

— Je le ferai donc, fit l’étranger. Mais je serais allé ce soir plus loin, si tu l’eusses voulu.

Il descendit de la charrette, gravit les degrés du logis et entra dans une chambre où il commençait de se désarmer tout seul, quand deux valets vinrent l’aider. Avisant un manteau, il s’en affubla et prit soin de se bien couvrir la tête afin de n’être pas reconnu ; puis il se laissa choir sur un lit très riche qui se trouvait là.

À peine y était-il, la demoiselle entra en compagnie de monseigneur Gauvain, et se montra fort dépitée de le voir étendu sur une aussi belle couche.

— Demoiselle, répondit paisiblement le che-