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LES DEUX LIONS

taine. Mais, durant qu’il dévorait sa proie, un autre lion survint, qui voulut la lui ravir. Les deux bêtes se battirent et blessèrent jusqu’à ce que, n’en pouvant mais, elles dussent se coucher. Or, l’une d’elles, qui gisait près de la tombe, s’était mise à lécher le sang qui en dégouttait : grâce à quoi elle redevint aussi saine et vigoureuse qu’avant le combat. Ce que voyant, l’autre vint lécher le sang à son tour et ne s’en trouva pas moins bien. Alors, les deux lions firent ensemble une paix si bonne que jamais il n’y eut plus aucune noise entre eux, et ils se couchèrent, l’un au pied, l’autre au chef du tombeau, et le gardèrent si bien que nul chevalier n’en a jamais pu approcher avant vous.

« Vous les avez tués et vous avez retiré la tête et le corps du roi, que j’ensevelirai auprès de celui de sa femme dans la chapelle. Mais sachez que vous n’êtes pas le bon chevalier qui achèvera toutes les aventures, puisque, sans doute à cause du feu de luxure qui flambe en votre corps, vous n’avez pu éteindre le bouillonnement de l’eau.

À ces mots, Lancelot rougit de honte. Il se recommanda aux prières du prud’homme et partit sans tarder.