Page:Boulenger - Romans de la table ronde III, 1922.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
15
RECONNAISSANCE

— Chevalier de la charrette, je suis prêt à tenir mon serment !

Aussitôt l’étranger de sauter du lit en braies et en chemise comme il était : et le nain le mène à une fenêtre en lui disant de regarder. Et il croit voir passer la reine, et Méléagant qui la mène, et Keu le sénéchal qu’on porte dans une litière. Et il regarde la reine très tendrement tant qu’il la peut voir, et se penche à la fenêtre, rêvant à ce qu’il regarde, de plus en plus, au point que son corps est dehors jusqu’aux cuisses et qu’il ne s’en faut guère qu’il ne tombe.

Heureusement, messire Gauvain entrait à ce moment, et la demoiselle avec lui. Voyant l’étranger en si grand péril, il le prit par le bras et le tira en arrière et, à son visage découvert, il le reconnut à l’instant.

— Ha ! beau doux sire, lui dit-il, pourquoi vous être ainsi caché de moi ?

— Pourquoi ? Parce que je devais avoir honte d’être reconnu. Car j’ai eu l’occasion d’acquérir tout honneur en délivrant madame, et, par ma faute, j’y ai failli.

— Certes, ce ne peut être par votre faute ! Car on sait bien qu’où vous échouez, il n’est personne qui pùt réussir.

Quand la demoiselle vit que messire Gauvain honorait tant le chevalier de la charrette, elle lui demanda quel était cet inconnu. Il répondit qu’elle ne le saurait point par lui quant à présent,