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LE CHÂTEAU AVENTUREUX

l’église et elle se promit que son dernier-né, qui avait nom Perceval, n’irait jamais à un tournoi, et même qu’il n’entendrait jamais parler de chevalerie.

Elle annonça à ses vassaux qu’elle voulait mener l’enfant en pèlerinage à Saint-Brandan d’Écosse et leur fit jurer d’obéir à son sénéchal, à qui elle remit sa terre en baillie. Puis elle prit son trésor et tout ce qu’elle put de son avoir ; elle fit charger dix charrettes de blé, froment, avoine et deniers, et elle s’éloigna avec son fils, emmenant bœufs, vaches, chevaux, moutons, brebis, accompagnée par une douzaine de vilains qui lui étaient dévoués et de grand service.

Elle alla tant dans cet équipage, qu’elle parvint dans la forêt Gâtée, la plus déserte du monde, où elle chemina bien deux semaines sans voir ni homme ni maison. Un jour enfin, elle débucha avec ses gens dans une belle et avenante vallée, arrosée par un cours d’eau assez vif pour faire ailer un moulin, et elle résolut de s’arrêter là. Les douze vilains travaillèrent si bien qu’ils firent en quinze jours une maison close d’une bonne palissade ; puis ils labourèrent la terre et Perceval fut élevé dans ce vallon jusqu’à ce qu’il eût quinze ans.

À cet âge, il savait très bien monter à cheval et lancer le javelot. Il avait les cheveux noirs comme la mûre au mûrier, mais le cou blanc comme la fleur d’églantine ; les yeux pers, la