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LE CHÂTEAU AVENTUREUX

aimer homme. Il la lui accorda volontiers, et elle se mit en route en compagnie de sa gouvernante Brisane et de quarante chevaliers.

Le roi et la reine Guenièvre lui firent aussi grand accueil qu’ils purent, tant à cause de sa beauté que de la hautesse et de la noblesse de son lignage ; et tous, pauvres et riches, mais plus que les autres les trois cousins, Hector, Lionel et Bohor, se mirent en peine de la servir et honorer. Elle, cependant, n’avait d’yeux que pour Lancelot. Et lui, il songeait qu’il eût commis naguère un trop grand crime, s’il eût occis une femme si belle ; néanmoins, il n’osait pas seulement la regarder, tant il se repentait de ce qu’il avait fait avec elle.

Or, le mardi soir après la Pentecôte, la reine lui manda secrètement qu’elle l’enverrait chercher, la nuit, lorsque tout le monde serait endormi. Mais Brisane, la plus avisée vieille qui ait jamais été, faisait bonne garde autour de Lancelot, de manière qu’elle surprit ce message. Et, sitôt que chacun fut couché, elle se hâta de lui envoyer une pucelle qui lui dit :

— Sire, madame vous mande que vous veniez sur-le-champ.

— J’y vais ! répondit Lancelot qui pensait que ce fût la reine.

Ce disant, il sauta hors de ses draps et suivit la pucelle. Elle le conduisit au lit de la fille du roi, auprès de laquelle il se coucha sans mot dire,