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LE CHEVALIER À LA CHARRETTE

quand tout fut endormi, elle monta dans la barque avec deux de ses pucelles et vogua jusqu’au pied de la tour, où elle découvrit le panneret par lequel on envoyait les vivres. Et elle entendit une voix qui se plaignait et disait :

— Ah ! Fortune, comme ta roue a mal tourné pour moi ! Les vilains disent bien vrai quand ils assurent qu’on a peine à trouver un ami. Ha ! messire Gauvain, si vous étiez en prison comme je suis depuis un an, il n’y aurait tour ni forteresse au monde que je ne conquisse, jusqu’à ce que je vous eusse trouvé ! Et vous, madame la reine, dont tout bien m’est venu, ce n’est pas tant pour moi que pour vous, que je regrette de mourir ici, car je sais bien que vous aurez grand’peine quand vous apprendrez ma mort !

Ainsi gémissait le prisonnier, et la demoiselle devina que c’était Lancelot. Elle heurta le panneret et lui, qui s’en aperçut, il vint à la fenêtre et tendit le cou.

— Je suis une amie, dit-elle, triste de votre chagrin. Et je me suis mise en aventure de mort pour vous délivrer.

Elle retourna doucement à la maison, d’où elle rapporta un pic et une grosse corde, qu’elle lia à celle où pendait le panneret. Lancelot eut tôt fait de tirer la corde, d’agrandir l’ouverture et de se laisser glisser dans la barque le plus