Page:Boulenger - Romans de la table ronde III, 1922.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
69
MÉLÉAGANT OUTRÉ

culbuta le cheval en même temps que l’homme. Aussitôt Lancelot mit pied à terre, et courut sus à Méléagant, l’épée à la main, en se couvrant de son écu. Et tous deux commencèrent de s’assommer à grands coups sur les heaumes, de se rompre leurs boucliers, de se tailler leurs hauberts sur les bras, les épaules et les hanches. Et ainsi jusqu’à midi.

À ce moment, Méléagant parut se lasser. Il était touché en plus de trente endroits, car Lancelot était beaucoup meilleur escrimeur que lui ; il avait reçu de si forts coups sur le chef, que le sang lui coulait du nez et de la bouche, et au point qu’il en avait les épaules couvertes, bref il ne faisait plus rien qu’endurer et se défendre. Soudain, comme il avançait d’un pas pour éviter un très lourd horion, Lancelot le heurta si rudement qu’il le fit choir, épuisé, et aussitôt lui sauta dessus et le saisit par son heaume ; mais les courroies étaient fortes : il eut beau traîner Méléagant, elles ne rompirent pas. Alors il le frappa du pommeau de son épée à lui faire entrer les mailles de sa coiffe dans la tête, et tant que l’autre se pâma : puis il coupa les lacs et arracha le heaume ; mais il attendit que Méléagant fût revenu à lui, et, au lieu de lui trancher le cou, il lui demanda s’il s’avouait outré.

— Merci ! cria le félon. Par tous les saints qu’on prie au Paradis, ayez merci de moi !