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Page:Boulenger - Romans de la table ronde IV, 1923.djvu/125

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LA MORT D’ARTUS

— Beau doux frère, jamais je n’irai à votre cour, car il s’y passe ce que je ne voudrais voir. Je me retirerai plutôt dans l’île d’Avalon, où vont les dames qui savent les enchantements.

Ainsi parlait Morgane parce qu’elle haïssait à mort la reine au corps gent. Et à cet instant, justement, le soleil frappait de toutes parts dans la chambre, si bien que le roi commença de remarquer les images que jadis Lancelot avait peintes sur les murs. Et l’on y voyait sa première entrevue avec la reine à Camaaloth, et comme il avait été ébahi de sa beauté ; puis tout ce qu’il avait fait pour l’amour de sa dame, et comment elle lui avait donné un baiser dans la prairie des arbrisseaux, et pourquoi les deux parties de l’écu fendu s’étaient rejointes à la Roche aux Saines, et comment un mot d’elle l’avait mis en frénésie, et toutes leurs amours, et toutes ses prouesses : de façon que le roi connut en un instant ce qu’il n’avait jamais su.

— Par mon chef, dit-il à mi-voix, si ces images sont vraies, Lancelot m’a honni avec ma femme ! Douce sœur, je vous requiers par la foi que vous me devez de me dire ce que ces peintures représentent.

— Ha, sire, répondit Morgane la déloyale, que me demandez-vous ! Ne savez-vous pas que Lancelot aime la reine Guenièvre et que c’est pour elle qu’il accomplit toutes ces chevaleries que vous voyez peintes ? Longtemps il languit,