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Page:Boulenger - Romans de la table ronde IV, 1923.djvu/192

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MORT DE MONSEIGNEUR GAUVAIN

jours. Et je suis moins dolent de ma mort que d’expirer sans revoir Lancelot : si j’avais pu lui crier merci de l’avoir si follement traité, il m’est avis que mon âme eût été plus aise après mon trépas.

— Beau neveu, dit le roi qui était survenu, votre folie m’a fait grand dommage, car elle vous enlève à moi, vous que j’aimais sur tous les hommes, et en même temps Lancelot. Ha, jamais Mordret n’eût été si hardi que de commettre une telle félonie, si le meilleur chevalier du monde fût resté auprès de moi !

— Quoi ! mon frère Mordret a-t-il donc été déloyal envers vous ?

Le roi conta ce qui était advenu. Dont messire Gauvain fut plus ébahi et plus dolent qu’on ne saurait dire.

— Hélas ! j’ai donc trop vécu ! murmura-t-il. Si je pouvais encore combattre, je serais le plus mortel ennemi de mon frère, mais personne ne me verra plus jamais porter les armes.

À ces mots, il pâma et le roi commença de mener si grand deuil que nul homme n’aurait pu le voir sans avoir pitié de lui. Toutefois messire Gauvain reprit son haleine et, faisant signe au roi de s’approcher, il lui murmura tout bas :

— Bel oncle, je me meurs. Je vous prie en nom Dieu de ne pas vous battre de votre corps contre Mordret, car, si vous êtes tué par la