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Page:Boulenger - Romans de la table ronde IV, 1923.djvu/193

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LA MORT D’ARTUS

main d’un homme, ce sera la sienne. Saluez de par moi madame la reine et vos prud’hommes, dont aucun ne reverra Lancelot. Que Dieu le garde : avec lui le pilier de la chevalerie s’écroulerait ! Mandez-lui que je le salue et que je le prie de venir visiter ma tombe quand je serai trépassé, car il n’a point tant de dureté au cœur qu’il ne prenne pitié de moi. Sire, je vous requiers de me faire enterrer en l’église Saint-Étienne de Camaaloth, auprès de mes frères et dans le même tombeau que Gaheriet ; et vous ferez écrire sur la lame :


Ci-gisent Gaheriet et Gauvain que Lancelot du Lac occit par leur faute.


Car je veux être blâmé de ma mort comme je l’ai mérité. Ha, Jésus-Christ, Père, ne me juge pas selon mes méfaits !

Il dit, et jamais plus il ne souffla mot par la suite. Ayant reçu le Corpus Domini, il trépassa du siècle, les mains croisées sur la poitrine.

Le roi pâma plusieurs fois sur son corps coup sur coup, puis il commença d’arracher ses cheveux et sa barbe qui étaient blancs comme neige neigée, criant :

— Ha, roi chétif et malheureux ! ha, Artus, tu peux bien dire que te voilà aussi dépouillé d’amis charnels que l’arbre l’est de ses feuilles quand la gelée est venue ! Ha, Fortune, chose contraire et diverse, tu fus jadis ma mère et