Aller au contenu

Page:Boulenger - Romans de la table ronde IV, 1923.djvu/225

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
222
ÉCLAIRCISSEMENT

Les Bretons, imaginatifs comme tous les Celtes, avaient certainement, ainsi que leurs voisins gaulois, une riche littérature orale. En Gaule, les bardes, à la fois auteurs et chanteurs, analogues aux jongleurs du moyen âge, étaient si abondants qu’il n’était pas de grand seigneur qui n’eût son poète attitré : lorsque le roi Bituit envoya un noble de sa cour aux Romains, il le fit accompagner d’un barde, dont le chant précéda le discours de l’ambassadeur ; cela fit rire les têtes rondes : ces Latins calculateurs et positifs ne se payaient pas de poèmes. Malheureusement les druides qui, dit César, enseignaient à leurs disciples « un grand nombre de vers », ne leur permettaient pas de les coucher par écrit. Avant la conquête, toutefois, les Gaulois connaissaient l’écriture : ils l’avaient apprise des Grecs de Marseille et ils commençaient à en user en dépit de leurs traditions religieuses. Certes, leur culture était en retard de plusieurs siècles sur celle des peuples méditerranéens : elle ressemblait un peu à celle de la Grèce homérique ; mais elle se perfectionnait avec une étonnante rapidité grâce à cette faculté d’assimilation dont ils étaient doués. Qui sait si la brutale conquête romaine n’a pas détruit, comme le pense M. Camille Jullian, toute une civilisation originale et charmante qui eût pu naître de la Gaule fécondée par la Grèce ? La latinité abolit bien des promesses.

Les Normands qui conquirent l’Angleterre, et qui chantaient une chanson sur Roland à la