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ÉCLAIRCISSEMENT

bataille d’Hastings, n’avaient plus aucune ressemblance avec les Danois barbares dont ils étaient issus et dont certaines peuplades, qui avaient envahi la Grande-Bretagne par le Nord, venaient justement d’être défaites par Harold : ils étaient si parfaitement francisés qu’ils maintinrent notre langue durant trois siècles au milieu du pays qu’ils avaient pris et auquel ils imposèrent peu à peu leurs coutumes, leurs mœurs, leur littérature et leur art qui étaient purement français.

Or, depuis longtemps, les jongleurs bretons, héritiers des anciens bardes, étaient fort prisés. Au sixième siècle déjà, le poète Fortunat avait entendu jouer de la rote, la petite harpe dont ils s’accompagnaient, à la cour des rois barbares de Gaule, et nous savons que les conquérants saxons de l’Angleterre aimaient de les écouter. Dès les premières années du douzième siècle, leurs contes étaient répandus jusque dans le nord de l’Italie, où l’on a trouvé qu’un enfant avait été nommé Artusius (Artus), un autre Walvanus (Gauvain), et jusqu’en Provence où, en 1137, un troubadour parle du roi Artus.

Les Normands aussi durent goûter les jongleurs celtes ; en tous cas, ils s’intéressèrent beaucoup aux riches traditions des Bretons, mais nullement à celles des Anglo-Saxons et des Danois qu’ils trouvèrent également installés dans l’île. Un clerc anglo-normand, Gaufrey de Monmouth (mort en 1154), entreprit d’écrire en latin l’ « histoire de la Bre-