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Page:Boulenger - Romans de la table ronde IV, 1923.djvu/233

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ÉCLAIRCISSEMENT

dont les froides aventures s’enchaînent à l’infini, Mais ils discourent sur l’amour, ou bien Chrétien en raisonne à leur sujet avec une subtilité et une préciosité qui étaient alors nouvelles et qui marquent le raffinement du poète et de ses lecteurs ; certes, elle était bien aussi « galante » que celle de l’hôtel de Rambouillet, la société qui savait goûter des marivaudages de ce genre :


De tous les maux le mien diffère ; il me plaît et pourtant j’en souffre ; je me réjouis de lui ; mon mal est ce que je veux et ma douleur est ma santé. Je ne vois donc pas de quoi je me plains, car mon mal me vient de ma volonté : c’est mon vouloir qui devient mon mal ; mais j’ai tant d’aise à vouloir ainsi que je souffre agréablement, et tant de joie dans ma douleur que je suis malade avec délices… Etc.


On trouverait dans l’œuvre de Chrétien de Troyes quelques autres morceaux de ce goût-là, fort propres, encore une fois, à montrer que la société française de la fin du douzième siècle était déjà infiniment plus polie qu’on n’a coutume de le croire. Et le poète a eu beaucoup d’imitateurs. Les uns se sont proposé de continuer Perceval comme Wolfram d’Eschenbach, chevalier bavarois, et d’autre part Wauchier de Denain (apparemment vers 1214), lui-même interpolé par un anonyme et continué par Manessier (avant 1227) et Gerbert de Montreuil (travaillant tous deux parallèlement). Les autres ont raconté, en se modelant sur Chrétien, des aventures de Gauvain ou de l’un de ses fils, ou