La vogue de cet ouvrage fut immense : on en compte beaucoup plus de cent manuscrits et il fit oublier en peu de temps les Robert de Boron et les Chrétien de Troyes. Dante le lut ; durant trois siècles, il ravit les imaginations, non seulement en France, mais en Allemagne, en Espagne, en Italie, en Portugal, en Angleterre ; il engendra toute la littérature chevaleresque dont le bon seigneur de la Manche eut la tête tournée ; au quinzième et au seizième siècles, il fut encore réimprimé six fois. Puis, soudain, les Amadis, qui en sont le rejeton espagnol, le firent oublier à son tour : c’est à peine si Don Quichotte, qui pardonne à Amadis de Gaule, mentionne le roi Artus et les amours de Guenièvre et de Lancelot. Chez nous aussi, l’adaptation des Amadis par Herberay des Essarts, publiée à partir de 1540[1], relégua le royaume de Logres parmi les vieilles lunes :
De Herberay, noble sieur des Essars,
Ton Amadis tous autres romans passe.
Et qui le lit de voir après se passe
Les Lancelotz, les Tristans, les Froissars[2].