Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/134

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« Mais pendant que les enfants du siècle parlent ainsi, quel est le langage de ceux qui doivent être enfants de Dieu ? Hélas ! ils conservent une estime et une admiration secrète pour les choses les plus vaines, que le monde même, tout vain qu’il est, ne peut s’empêcher de mépriser. Ô mon Dieu, arrachez, arrachez du cœur de vos enfants cette erreur maudite. J’en ai vu, même de bons, de sincères dans leur piété, qui, faute d’expérience, étaient éblouis d’un éclat grossier. Ils étaient étonnés de voir des gens, avancés dans les honneurs du siècle, leur dire. « Nous ne sommes point heureux ! » Cette vérité leur était encore nouvelle, comme si l’Évangile ne la leur avait pas révélée, comme si leur renoncement au monde n’avait pas dû être fondé sur une pleine et constante persuasion de sa vanité.

« Oh ! qu’elle est redoutable cette puissance des ténèbres qui aveugle les plus clairvoyants ! C’est une puissance d’enchanter les esprits, de les séduire, de leur ôter la vérité même, après qu’ils l’ont crue, sentie, aimée. Ô puissance terrible, qui répand l’erreur, qui fait qu’on ne voit plus ce qu’on voyait, qu’on craint de le revoir, et qu’on se complaît dans les ténèbres de la mort… On promet à Dieu d’entrer dans cet état de nudité et de renoncement ; on le promet et c’est à Dieu : on le déclare à la face des saints autels ; mais après avoir goûté le don de Dieu, on retombe dans le piége de ses désirs. L’amour-propre, avide et timide, craint toujours de manquer : il s’accroche à tout, comme une personne qui se noie se prend à tout ce qu’elle trouve, même à des ronces et à des épines pour se sauver. Plus on ôte à l’amour-propre, plus il s’efforce de reprendre