Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/210

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J’avais ainsi plaidé pendant près de deux heures, j’étais accablé « … de fatigue ; la Reine eut la bonté de le remarquer et de me dire avec l’accent le plus touchant :

« Combien vous devez être fatigué, M. Chauveau-Lagarde : je suis bien sensible à toutes vos peines. »

« Ces mots qu’on entendit autour d’elle ne furent point perdus pour les bourreaux… La séance fut un instant suspendue avant que M. Tronçon-Ducoudray prît la parole. Je voulus en vain me rendre auprès de la Reine : un gendarme m’arrêta sous ses propres yeux. M. Tronçon-Ducoudray, ayant ensuite plaidé, fut arrêté de même en sa présence ; et de ce moment, il ne nous fut plus permis de lui parler. »

Voilà ces temps, ces affreux temps que, de nos jours encore, certains écrivains, par une aberration de la folie ou du crime, osent excuser, que dis-je ? justifier, glorifier, et si l’on en croyait leur langage, qu’on peut croire une misérable forfanterie, voudraient nous ramener !

Les défenseurs revirent la Reine de loin seulement lorsqu’ils entrèrent, toujours escortés par les gendarmes, pour le prononcé de l’arrêt. « Cet horrible arrêt, dit Chauveau-Lagarde, nous ne pûmes l’entendre sans en être consternés ; la Reine seule l’écouta d’un air calme… Ce calme ne l’a point abandonnée jusqu’à ses derniers moments. Rentrée à la prison et avant de s’endormir dans la sécurité de sa conscience, du sommeil des justes, elle écrivit à Mme Élisabeth la lettre que la Providence vient de révéler au monde, et qui est un monument éternel de l’inébranlable fermeté d’âme ainsi que de l’inépuisable bonté de cœur qu’elle avait manifestée durant tout le cours du procès. »