Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/360

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tées à tant d’années de privations et de labeurs, contribuèrent sans doute à hâter la fin du vénérable prêtre qui, le 23 décembre 1789, s’éteignit doucement, au milieu de sa famille adoptive en pleurs, après avoir reçu, dans les sentiments de la plus fervente piété, les derniers sacrements des mains de M. l’abbé Marduel, curé de sa paroisse. Pendant sa maladie on l’entendit plusieurs fois répéter ces touchantes paroles : « Grâce à Dieu, je n’ai jamais commis de ces fautes qui tuent les âmes ; mais je suis épouvanté quand je réfléchis combien j’ai mal répondu à une telle faveur d’en haut… Ce sont les grands combats qui font les grands saints ; Dieu a tout fait pour mon salut, et je n’ai rien fait qui réponde à l’excellence de sa grâce. »

L’humilité de l’abbé de l’Épée lui fermait les yeux sur ses mérites ; certes il n’arrivait pas les mains vides devant Dieu celui qui, par ce merveilleux langage, inventé par le cœur plus encore que par le génie, avait ouvert et ouvre encore les portes du Ciel à tant de pauvres âmes qui, sans lui, n’auraient point connu la lumière. L’apôtre infatigable de ces infortunés, longtemps à cause de leur infirmité, traités en parias, ne mérite-t-il pas au moins la même récompense, les mêmes louanges que le courageux missionnaire qui va, par delà les mers et les déserts, porter l’évangile aux pauvres idolâtres ? car tels abrutis qu’ils paraissent, grâce à ce don précieux de la parole, ne sont-ils pas moins étrangers encore à toute tradition, à toutes notions concernant la divinité, l’âme, la conscience, que les malheureux sourds-muets, qui, faute de moyens de communication avec les autres hommes, restaient comme murés dans leur complète