Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/361

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ignorance ? Qu’on juge à ce point de vue supérieur de l’immense bienfait résultant de la découverte de l’abbé de l’Épée[1], qui dans son livre intitulé : Véritable manière d’instruire les sourds-muets, va jusqu’à dire : « D’après les exemples contenus dans ce chapitre (XIII), on conviendra sans doute qu’il est possible de faire entendre aux sourds-muets les mystères de notre religion, et qu’ils doivent même les mieux entendre que ceux qui ne les ont appris que dans leur catéchisme[2]. »

À l’appui de cette affirmation, qui paraît si hardie d’abord, je dirai qu’ayant eu plusieurs fois l’occasion d’entendre, c’est-à-dire de voir les prédications qui se font le dimanche, à Saint-Roch, par un digne successeur de l’abbé de l’Épée, aux sourds-muets, je ne me lassais pas d’admirer l’éloquence naturelle, la vivacité d’accent, l’onction surtout de ce langage des gestes, si expressif, que moi, qui ne le comprenais point dans le détail, je n’en étais pas moins touché profondément, sûr que l’orateur parlait à ses ouailles attentives des choses du ciel, de Dieu, de l’âme et de l’éternité.

C’est dans l’église Saint-Roch, où l’abbé de l’Épée fut inhumé, que se trouve le monument élevé à sa mémoire par les sourds-muets reconnaissants. Il est dû au ciseau du sculpteur Préault qui, dans cette circonstance, dit-on, a fait preuve, à son grand honneur, de plus de désintéressement encore que de talent.

  1. Il est juste de dire que, bien qu’il n’eût pas eu connaissance de leurs ouvrages, l’abbé de l’Épée avait été précédé dans cette carrière de dévouement par les Espagnols Paul Bronet et Ramire, et aussi les Anglais et les Allemands.
  2. La Véritable manière d’instruire les sourds-muets, in-12, 1784.