Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/376

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correspondance, dans sa plus grande partie au moins, ne me semble pas à l’usage des néophytes qu’elle pourrait déconcerter en leur parlant un langage qui ravit avec raison les âmes d’élite et exalte les parfaits.

Dans les Dialogues sur l’Éloquence, je trouve ce remarquable passage qui peut s’appliquer aux écrivains, poètes, historiens, etc, aussi bien qu’à l’orateur : « Il faut donc que les orateurs ne craignent et n’espèrent rien de leurs auditeurs pour leur propre intérêt. Si vous admettez des orateurs ambitieux et mercenaires, s’opposeraient-ils à toutes les passions des hommes ? S’ils sont malades de l’avarice, de l’ambition, de la mollesse, en pourront-ils guérir les autres ? S’ils cherchent les richesses en pourront-ils détacher autrui ? Je sais qu’on ne doit pas laisser un orateur vertueux et désintéressé manquer du nécessaire : aussi cela n’arrive-t-il jamais s’il est vrai philosophe, c’est-à-dire tel qu’il doit être pour redresser les mœurs des hommes. Il mènera une vie simple, modeste, frugale, laborieuse ; il lui faudra peu, ce peu ne lui manquera point, dût-il de ses propres mains le gagner. Le surplus ne doit pas être sa récompense et n’est pas digne de l’être. Le public lui pourra rendre des honneurs et lui donner de l’autorité, mais s’il est dégagé des passions et désintéressé, il n’usera de cette autorité que pour le bien public, prêt à la perdre toutes les fois qu’il ne pourra la conserver qu’en dissimulant et flattant les hommes. Ainsi, l’orateur, pour être digne de persuader les peuples, doit être un homme incorruptible ; sans cela son talent et son art se tourneraient en poison mortel contre la république même : de là vient que, selon Cicéron, la première et la plus essentielle des