Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/395

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— Tu le sauras, répond La Fontaine, quand nous serons dehors.

Poignant, assez surpris, se lève, s’habille et suit La Fontaine qui, après l’avoir conduit dans un lieu écarté, lui dit de l’air le plus tranquille :

— Mon ami, il faut nous battre.

— Comment ! qu’est-ce que cela veut dire ? répond Poignant de plus en plus étonné. Entre nous d’ailleurs la partie n’est pas égale ; je suis, un vieux soldat et toi tu n’as jamais tiré l’épée.

— N’importe, le public veut que je me batte avec toi ; ainsi en garde.

Bon gré, mal gré alors, Poignant tire son épée, et dès les premières passes, il fait sauter à dix pas celle de La Fontaine. Alors l’ayant désarmé, il lui demande l’explication de sa conduite et La Fontaine s’empresse de le satisfaire.

— Ce sont propos absurdes ! dit alors Poignant, et mon âge, mon humeur, comme l’estime que j’ai pour ta femme, l’amitié que j’ai pour toi devaient écarter toute inquiétude, mais puisqu’il est ainsi je proteste que je ne mettrai plus les pieds dans ta maison.

— Au contraire, répond La Fontaine en lui serrant la main, j’ai fait ce que le public voulait ; maintenant je veux que tu viennes chez moi tous les jours sans quoi nous nous battrons encore. »

La Fontaine, venu à Paris en 1654, fut présenté par un de ses parents, Jannart, oncle de sa femme et favori de Fouquet, au surintendant des finances alors tout puissant. Fouquet, qui par goût et sans doute aussi par calcul, se plaisait au rôle de Mécène, fit au poète peu