travail qui l’occupa plusieurs années et dont il se délassait par la composition de ses poésies. Il en forma tout un recueil qu’il fit magnifiquement copier, enluminer et relier afin de pouvoir l’offrir au roi d’Angleterre (1394), Richard, fils du prince de Galles et neveu par conséquent d’Édouard III et de Philippa de Hainaut. Le présent, offert par Froissart lui-même venu dans ce but en Angleterre, fut reçu à merveille.
« Et voulut voir le roi le livre que j’avais apporté… Il l’ouvrit et regarda dedans, et lui plut, et plaire lui devait, car il était enluminé, écrit et historié, et couvert de vermeil velours à dix clous d’argent dorés d’or, et roses d’or au milieu et à deux grands fermaux (fermoirs) dorés, et richement ouvrés au milieu de rosiers d’or… et me fit très bonne chère, pour la cause de ce que de ma jeunesse j’avais été clerc et familier au noble roi Édouard son tayan (oncle) et à Madame Philippa de Hainaut, sa taye (tante) ; et fus un quart d’an en son hôtel ; et quand je me départis de lui, ce fut à Windsor. À prendre congé, il me fit par un chevalier donner un gobelet d’argent doré, pesant deux marcs largement, et dedans cent nobles dont je valus mieux depuis tout mon vivant. Et suis moult tenu à prier pour lui. »
On remarquera cette dernière phrase soulignée par nous à dessein ; car elle prouve que, par une contradiction peu rare alors, et qui est, hélas ! de tous les temps, le poète historien trouvait moyen d’accommoder et de concilier une vie parfois assez mondaine avec l’esprit religieux. La théorie était parfaite encore que la pratique laissât souvent à désirer. C’est là le caractère de ses ouvrages qui nous charment dans le vieil idiome