Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/180

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littéraires. « Dès qu’elle sut lire, elle s’appliqua tellement à l’étude, qu’on la trouvait toujours avec un livre en main. La pensée d’un nom imprimé avait une telle magie pour cette pauvre enfant que dès l’âge de cinq ans elle se rêvait une destinée d’auteur. » Un jour qu’elle était entrée dans une imprimerie, un brave ouvrier, lui imprima son propre nom : Élisa, sur le bras. « Oh ! vois donc, dit-elle toute joyeuse à sa mère, que mon nom est joli quand il est imprimé. »

Je ne louerai pas beaucoup non plus certains livres que la mère mit, dès cet âge tendre, aux mains de l’enfant, et dont le choix annonce un médiocre discernement : « Les deux volumes de Gonzalve de Cordoue, par Florian, qu’elle ne pouvait se rassasier de lire ; quelques volumes des Mille et une nuits ; et un volume de tragédies par Ducis où se trouvait son Roi Lear. Élisa lisait cette pièce si souvent qu’elle ne tarda pas à la savoir par cœur. »

Il en arriva qu’un beau jour la mère, rentrant du marché, trouva l’enfant debout sur son lit, drapée dans une espèce de tunique, faite avec un rideau, et déclamant les vers du roi Lear. Interrogée par sa mère, elle répondit gravement qu’elle s’exerçait pour une tragédie qu’elle voulait composer et qui, jouée au Théâtre Français, comme elle y comptait, ferait la fortune de sa maman ; car c’était-là le principal motif de ce bon petit cœur. La mère eut grand’peine à lui faire comprendre que c’était un peu bientôt, et qu’avant de tenter cette grosse entreprise, il lui restait beaucoup de choses encore à apprendre, l’orthographe, l’histoire, la géographie, la prosodie, etc.