Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/200

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Car ce poète aussi m’est cher. Mais quoi, doté
Si richement par moi, comment, en effronté,
De mots qui font rougir vint-il souiller la scène,
En immortalisant mainte pensée obscène ?
Les plus honnêtes gens en parlent chapeau bas,
Le préjugé l’absout, je ne l’absoudrai pas,
Merveilleux enchanteur, mais terrible génie !
Ah ! dans le cœur gardant sa mémoire bénie,
L’innocence rit-elle à son fier piédestal ?
Et quel bien a-t-il fait, lui qui fit trop de mal ?
Quel est le malheureux, faible et tenté qui lutte,
Et dont sa noble voix ait empêché la chute ?
L’adolescent naïf, mais déjà combattu,
En reçoit-il la force, appui de la vertu ?
Demande-moi plutôt (Hélas ! faut-il le dire,
Et que la vérité ressemble à la satire !)
Demande-moi plutôt combien de jeunes cœurs,
Hélas ! se sont flétris à ses accents moqueurs !
Combien en l’écoutant d’une âme encor paisible,
Sentent gronder en eux un orage terrible !
Que d’Agnès a séduits la voix de l’histrion,
Et que d’époux trompés grâce à l’Amphytrion !
Pour l’écrivain coupable est-il assez de blâmes,
Enfant, pour celui-là, le meurtrier des âmes,
Et qui, crime sans nom, irréparable tort !
En se jouant, les voue à l’éternelle mort ?

Puis encor, ce divorce éternel qui divise,
Un bon juge l’a dit[1], le théâtre et l’église,

  1. M. Édouard Thierry, dans un de ses feuilletons du Moniteur quand celui-ci était le Journal officiel.