Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/201

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Molière l’a voulu, lui, cet homme de bien,
Qui donne à l’hypocrite un masque de chrétien.
Ce fut erreur sans doute et non malice noire,
Il le dit assez haut pour qu’on doive le croire.
Mais, gaudisseur sans frein, de sa morale, hélas !
Scandale du lecteur, il ne s’excuse pas,
Faut-il qu’on applaudisse aux crimes du génie ?
Mais c’est lui qui surtout voue à l’ignominie
Le théâtre souillé par d’illustres excès !
Et son fatal exemple, absous par le succès,
À tous ses successeurs semble frayer la route.
À ta tâche tu fis, Molière, banqueroute.
Tu pouvais épurer le théâtre naissant,
Tu le pouvais, toi seul, magicien puissant ;
Quand il se débattait encore dans ses langes,
Ô Maître, tu pouvais en secouer les fanges,
Et le public sans doute eut écouté ta voix,
Si loin de le flatter, comme tu fis des rois,
Pour ses vices chéris, ses coupables faiblesses,
Tu n’avais jamais eu de ces lâches tendresses !
Si ton art sérieux, dans ses libres façons,
N’eut pas craint de donner de sévères leçons,
Mieux instruit, le public, en te laissant ta place,
Aurait voulu toujours qu’on marchât sur ta trace.
Le théâtre plus pur en serait-il moins grand ?
Qu’il cesse d’étaler ce mensonge flagrant,
Du frontispice ancien qui l’appelle une école !
C’est le temple plutôt du vice, infâme idole,
Le foyer de la peste et des corruptions
Que doivent foudroyer nos malédictions.