Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/396

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dès l’année 1720, une première traduction de Robinson Crusoé était publiée en France par Saint-Hyacinthe et Van Effen. D’autres se succédèrent à diverses époques qui rendirent le livre de plus en plus populaire. Mais on reproche à ces traductions de n’avoir pas supprimé certains passages où se trahissent les préjugés protestants de l’original. Les éditions modernes, celle de Mame en particulier, illustrée par le facile et ingénieux crayon de Karl Girardet, donnent, je crois, toute satisfaction à cet égard, et il est peu de cadeaux d’étrennes, en fait de livres, qui soient plus attrayants. Toutefois il ne faut pas se dissimuler que à l’âge où les impressions sont si vives, où l’inexpérience et l’ignorance du monde ne rendent que trop crédule aux séduisants mensonges de la fiction, la lecture de Robinson Crusoé peut n’être pas toujours sans inconvénient, sans danger même. J’en donnerai pour preuve l’exemple de Bernardin de Saint-Pierre enfant.

« Il était tout jeune encore, dit un biographe, lorsque sa marraine lui fit présent de quelques livres parmi lesquels se trouva Robinson Crusoé. Ce livre décida peut-être de sa destinée ; il s’empara de toutes ses facultés, il le prit au cœur, au cerveau, partout. Le vaisseau naufragé, l’île déserte, la chasse aux hommes, Vendredi, les sauvages occupèrent toutes ses pensées ; ce fut un enchantement. Il voulut, comme son héros bien aimé, se livrer aux houles de la mer, aborder à quelque île lointaine et y fonder une colonie..… Ce fut au milieu de ces dispositions romanesques que son oncle. Godebout, capitaine de vaisseau, lui proposa de s’embarquer avec lui pour la Martinique. L’enfant bondit de joie ;