Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/412

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je sentais le mal, mais c’était un clou de la croix de Notre-Seigneur et je voulais le conserver.

Le six février (1856), les symptômes les plus graves ayant disparu, on croyait la supérieure sauvée ; les sœurs se réjouissaient ; mais quelques heures plus tard, par un soubresaut de la maladie, le danger reparaissait plus imminent, et elles s’agenouillaient près de leur mère agonisante qui succomba le lendemain.

À la nouvelle de cette mort, éclatant dans le quartier Saint Marceau comme un coup de foudre, ce fut une consternation générale. Les ouvriers, leurs femmes, leurs enfants, comme les vieillards et les infirmes mêmes, vinrent en foule pour faire à la sœur Rosalie une dernière visite dans la chapelle ardente où elle était exposée. Dans tous les yeux on voyait des larmes, on n’entendait que des gémissements et des sanglots, comme le jour d’après dans l’immense cortège qui suivait l’humble corbillard conduisant la servante des pauvres à l’église, puis au cimetière. La foule se composait d’un peuple entier avec ses grands et ses petits, ses riches et ses pauvres, ses savants et ses ouvriers, en un mot les personnages les plus illustres et les plus obscurs réunis par le même sentiment de douleur et de vénération.

Ah ! quand on voit ces regrets unanimes, et ces explosions d’admiration pour la vertu, le dévouement, la sainteté, on se sent consolé, fortifié ; on se croirait coupable de douter de l’avenir ; et l’on regarderait presque comme un blasphème de qualifier, ainsi que l’ont fait quelques-uns, de Babylone moderne ce Paris témoin, mais pas indifférent certes, de si sublimes et si