Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/85

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trop nombreuse des sots railleurs, allait partout répétant : « Connaissez-vous ce gentilhomme de la Franche-Comté qui embarque des pompes à feu sur les rivières ? Ce fou qui prétend accorder le feu et l’eau ? » Mais bientôt arriva la Révolution qui fit justice des moqueurs et des courtisans, par malheur sans épargner les personnages les plus augustes comme les plus honnêtes gens. Jouffroy, dont la vie semblait menacée, à cause de sa qualité de gentilhomme, dut émigrer et ne rentra en France qu’après la paix de Lunéville. Pendant qu’il servait dans l’armée de Condé, et que plus tard en France il s’efforçait de recueillir les débris de sa fortune pour assurer l’avenir de sa famille, un jeune Américain, Fulton, né à Little-Britain (Pensylvanie) en 1765, vint à l’âge de vingt ans en Angleterre où il s’adonna entièrement à l’étude de la mécanique. Passé en France pendant l’année 1796, sans nul doute il eut connaissance des expériences de Jouffroy. Il en profita et s’en aida pour la construction de la machine à vapeur exécutée en 1804 sur ses dessins, dans l’usine de Bolton-Wat, et qui, terminée deux ans après, et expédiée à New-York, sillonna la première les grands fleuves d’Amérique où les navires de ce genre ne tardèrent pas à se multiplier.

On les ignorait encore en Europe, cependant, quand, après le retour des Bourbons en France, Jouffroy, muni d’un brevet d’invention et de perfectionnement, fit construire un bateau auquel le comte d’Artois permit qu’on donnât son nom, et qui fut lancé sur la Seine, au Petit-Bercy, le 20 avril 1817, en présence du comte d’Artois, des princes ses fils, des autorités de Paris, d’un grand nombre de savants et d’un concours immense de spec-