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Page:Bourassa - Jacques et Marie, souvenir d'un peuple dispersé, 1866.djvu/226

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jacques et marie

sait alors le sort réservé à celui-ci, le lieu et l’heure de son exécution. Toutes ses recherches furent vaines ; il ne retrouva nulle part les vestiges de son aîné, mais il fit la rencontre de deux jeunes compatriotes, qui, après s’être échappés d’un convoi de captifs, effrayés de leur solitude et ne pouvant supporter l’absence de leurs parents, revenaient se livrer de nouveau aux autorités. Ces malheureux lui apprirent qu’ils avaient vu son frère en compagnie d’un sauvage, et que tous deux faisaient route vers le cap Porc-épic. Sans leur raconter, le but de son voyage, André leur avait dit qu’il traversait du côté des Français pour revenir prochainement, et il leur avait offert de les prendre dans son embarcation, s’ils voulaient s’échapper.

Antoine profita de ces indications et alla attendre le retour de son frère au pied du cap Porc-épic.

Ce fut le 9, à l’aube, qu’il le vit reparaître, toujours avec le Micmac, mais suivi, de plus, par les dix étrangers dont nous venons de faire la connaissance. Ils occupaient tous ensemble deux canots d’écorce.

Il paraît que Wagontaga était parvenu à faire comprendre à André, après la rencontre des Anglais, qu’il allait chercher un secours assez puissant pour délivrer Jacques et tous les Acadiens ; c’est au moins ce que crut entendre André. Mais le sauvage n’avait trouvé que ces quelques compagnons d’armes ; les autres s’étaient dispersés pour faire des provisions. Comme il était impossible d’attendre ceux-là, le chef indien était reparti de suite, avec cette poignée de dévoués, laissant l’ordre aux autres de se tenir prêts au premier avis.

En les revoyant, P’tit-Toine leur fit le récit des malheurs de leur pays, de la captivité de Jacques, et il leur annonça qu’il devait être exécuté le soir même.

Ils partirent sans hésiter, résolus à tout tenter pour arracher leur commandant à la mort. Mais il leur fallut faire tant de détours, user de précautions si nombreuses pour éviter la rencontre des troupes qui fouillaient sans cesse les bois et les chemins, qu’ils n’arrivèrent à la ferme de la mère Trahan qu’au moment où l’ordre de la fusillade allait être donné. Et sans l’instant de trouble et de retard que vint y apporter l’apparition de la fiancée, ils n’auraient trouvé qu’un cadavre.

Pauvre Marie ! elle ignorait que sa démarche était toute providentielle, et qu’en allant s’immoler avec son fiancé, elle lui apportait la vie et la liberté dans son amour dévoué…

Profitant du bruit, du désordre et de l’émotion qui accompa-