Aller au contenu

Page:Bourassa - Jacques et Marie, souvenir d'un peuple dispersé, 1866.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
254
jacques et marie

de canon ; et ils allaient être forcés de déployer leurs lignes à la hâte sur la déclivité d’un terrain inégal, plein de ravins, où le pied glissait, où l’œil perdait l’horizon, en face de toute l’artillerie ennemie, devant ses tirailleurs qui occupaient tous les sommets. Murray dut se féliciter qu’on lui présentât la bataille dans de pareilles conditions ; c’était lui permettre de terminer la guerre et d’en recueillir les triomphes.

Cependant, les Français, qui comptaient surprendre leurs adversaires, ne furent pas déconcertés de se voir si bien attendus ; ils étaient aussi nombreux qu’eux, et dans cette proportion ils avaient toujours été vainqueurs sur ce continent ; leur avant-garde avait eu le temps d’arriver sur le terrain. Lévis la fit courir aussitôt sur deux points : à droite, pour occuper une redoute élevée par les Anglais l’année précédente ; à gauche, pour s’adosser au moulin et à la ferme Dumont : le premier point protégeait la côte et l’anse du Foulon où devaient débarquer les munitions, l’artillerie et les approvisionnements des troupes ; le second, placé sur la route de Sainte-Foy, gardait le passage où se précipitait en ce moment le gros de l’armée. C’est sur ces deux pivots que devait tourner la fortune de la journée, car c’était pour les Français des positions essentiellement nécessaires à leur succès. À peine quelques compagnies de grenadiers y furent-elles établies, que Murray lança dessus des forces écrasantes pour les déloger. Lévis, sentant que ses hommes allaient être hachés, et n’ayant pas de soldats à sacrifier, ordonna aux grenadiers de se replier en combattant vers les corps qui débouchaient en cet endroit sur la plaine et qui venaient pour les soutenir. Il attirait ainsi une partie des assaillants sous son feu. C’est du côté du moulin, et par conséquent sur l’aile gauche de Lévis, que Murray voulut faire les plus grands efforts ; il fallait arrêter la marche des Français, les rompre et les précipiter vers les bois et les marais d’où ils sortaient ; il fait donc tourner toutes ses batteries dans cette direction ; vingt canons se mettent à vomir les boulets et la mitraille en travers du chemin de Sainte-Foy ; les Français qui défilent sous cette averse fulminante sont fauchés, et tombent couverts de boue et de sang. L’intrépide commandant de l’avant-garde est atteint en ce moment et roule parmi ses morts, laissant ses hommes sans commandement. Mais ils pouvaient s’en passer ; dans ces armées presque nomades et avec l’habitude que l’on avait des combats de petites bandes, les soldats aguerris pouvaient tous être capitaines dans l’occasion. Voyant les grenadiers, accablés sous le nombre, céder le terrain, ils volent à leur secours, les soutiennent, et tous ensemble reprenant de pied ferme, ils arrêtent les