Page:Bourdaret - Religion et Superstition en Corée.djvu/10

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dansent et gesticulent autour de la table des offrandes, composées de mets variés. On suppose que le démon s’incarne dans la sorcière, qui prononce des oracles. Alors, les habitants lui apportent chacun leur bol de riz et lui demandent la révélation de leur avenir pendant les trois années qui vont suivre jusqu’au prochain sacrifice. La moutang brûle des cornets de papier blanc dans le bol ; si le papier reste au fond, c’est un mauvais présage pour l’avenir ; si, au contraire, le papier brûlé vient au bord du bol et s’envole, l’augure est bon.

De même que la moutang est louée, car il va sans dire qu’elle ne travaille pas sans salaire, pour se rendre propice le démon d’un village, elle est louée aussi pour le démon de la maison. Pendant ses exorcismes, l’esprit du logis s’incarne en elle et lui révèle l’avenir. C’est à elle qu’on a recours pour purifier la demeure visitée par la mort, la maladie ou toute autre cause qui est l’œuvre d’un mauvais génie, dont l’arrivée intempestive oblige l’esprit gardien du logis à quitter la place. Il s’agit de faire réintégrer le domicile au fugitif, et ce sera la moutang qui y parviendra, au moyen de ses baguettes, de ses formules magiques et de ses prières spéciales, pendant que résonnera le tam-tam, et que l’eau pure sera versée sur le plancher de la maison.

Voici, d’ailleurs, comment elle s’y prend pour faire réintégrer au logis l’esprit tutélaire. Elle attache une bande de papier autour d’une baguette de chêne, qu’elle tient en l’air, et elle sort à la recherche du fuyard. Quelquefois, l’esprit se tient tout près de la maison, d’autres fois, il est très loin, mais la sorcière reconnaît sa présence parce que, lorsqu’elle le rencontre, il secoue si violemment la baguette que plusieurs hommes ne peuvent la tenir. La moutang le rapporte alors à la maison, où il est reçu avec les plus sympathiques démonstrations. Le papier qui entourait la baguette de chêne est alors, avec quelques menues monnaies à l’intérieur, plié et trempé dans du vin coréen, puis lancé contre une poutre de la maison, où il se colle. On jette ensuite contre ce papier une poignée de riz, dont quelques grains restent adhérents : c’est