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Page:Bourdon - En écoutant Tolstoï.djvu/31

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En même temps que l’apôtre, c’est l’ancêtre que je rencontrais. La lumière qui, de Iasnaïa Poliana, coule sur le monde, n’est point semblable au soleil glacé des pôles : c’est une lumière bienfaisante et chaude, génératrice de pensée et de rêve, et qui porte aussi de la beauté et de la joie. La paix morne de l’implacable neige qui, si loin que les yeux pénètrent dans l’espace, enserre les campagnes et les villes, n’est rien auprès de la paix auguste de ces âmes. Le monde, autour d’elles, peut s’ébranler et se tordre : elles contemplent le monde, et, sans doute, avec lui, pour lui, souffrent, espèrent, car elles sont pitoyables et tendres ; mais l’ébranlement du monde s’arrête au seuil de leur sérénité ; elles portent un univers inaccessible, et, parce qu’elles ont connu, chéri, exalté la Vérité, elles sont invulnérables et impassibles.

Au moment d’entreprendre le récit des heures passées dans le rayonnement de cette grande paix généreuse, je mesure la témérité de mon dessein. Léon Tolstoï n’est point avare de ses propos ; c’est une pensée et une