Page:Bourdon - En écoutant Tolstoï.djvu/318

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âme et à leur religion. Mais ils partent, parce qu’ils sont tellement liés de tous côtés, qu’ils ne savent où aller.

Et ceux qui restent non seulement le sentent, mais le savent et l’expriment. Hier, j’ai rencontré sur la grand’route des paysans qui revenaient de Toula. L’un d’eux, qui marchait près du chariot, lisait une petite feuille. Je lui ai demandé : « Est-ce un télégramme ? » Il s’arrêta : « C’est un télégramme d’hier, mais j’ai aussi celui d’aujourd’hui. »

Il le tira de sa poche, nous nous arrêtâmes, je le lus.

— Qu’est-ce qui s’est passé hier à la gare ? commença-t-il. C’est horrible ! Des femmes, des enfants, plus de mille. Elles hurlaient. On entourait le train, on ne laissait pas partir. Même les étrangers, en voyant cela, pleuraient. Une femme de Toula a crié : « Ah ! » et elle est tombée morte. Elle laisse cinq enfants. On les a distribués dans des asiles, et tout de même on a emmené le père. Et qu’avons-nous besoin de la Mandchourie ? Nous en avons assez de notre terre. Et combien de gens on a tué, combien d’argent dépensé !… »