Page:Bourdon - En écoutant Tolstoï.djvu/83

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Au tiers du repas, la comtesse Tolstoï entre en coup de vent, robe violette, élégante et simple, jeune visage, cheveux châtains, sans un fil blanc, regard aigu, gestes vifs, parole prompte. Dès le seuil, elle parle, vient à moi, me tend la main, me souhaite la bienvenue, s’informe de mon voyage, ne me laisse pas le temps de répondre, s’assied à table, se sert, cause, passe d’un sujet à l’autre, toujours pressée, toujours pittoresque, dans l’incessante action d’une impétueuse vitalité. La comtesse Tolstoï, épouse d’un homme de soixante-quinze ans, a atteint l’automne de sa vie. Qui le penserait, à la voir si agile, se mouvant perpétuellement parmi les idées et attentive aux milles soucis de l’existence quotidienne ? Le printemps est en elle avec sa sève jaillissante, ses fleurs qui embaument, les caresses de ses tièdes midis, avec tout ce qu’il exprime de vie dans l’épanouissement de ses bourgeons et la chanson frémissante de ses feuilles. D’esprit, de cœur, de propos, d’allures, d’habitudes, elle a gardé une jeunesse que la succession des ans a seulement enve-