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LE SILO


me semMaître, le sens de ces paroles
me semble dur ?

Dante. (L’Enfer)

I

Un repas de famille auprès du feu s’apprête :
Une femme sur l’âge, attentive, inquiète,
Jette par intervalle un regard indécis
Sur un vieillard rêveur à côté d’elle assis.
Ce sont les deux époux ; âmes tendres, bien nées,
Se souriant encore au déclin des années.
Pourtant ils ont marché dans ces rudes sentiers
Où la ronce jalouse étouffe les rosiers,
Sous ce ciel inconstant où le matin rayonne
Le soleil, où le soir l’ouragan tourbillonne.
Lui, grand chêne éprouvé, mais vigoureux encor
Semblable à ces vieillards qui charmaient l’âge d’or ;
Elle, faible liane, à son ombre abritée,
Et par les vents du Nord comme lui tourmentée.

Ils attendaient leur fils depuis un mois entier.
Et ce soir justement sonnait l’anniversaire
Où leur unique enfant s’arrachant au foyer
Était parti, brillant et jeune, pour la guerre.