Page:Bourette - Le Silo, 1880.djvu/13

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Ils pleurèrent longtemps car ils n’avaient que lui :
À leur âge ils avaient besoin de son appui,
Sa mère bien souvent contempla, l’œil humide,
La chambre solitaire et le lit froid et vide,
Et le livre où son front se penchait studieux,
Et tant d’autres témoins, depuis silencieux !

Vers la sixième année on manqua de nouvelles.
Qui peut dire quel glaive aux atteintes cruelles
L’Incertitude sombre enfonce au fond du cœur ?
Était-il prisonnier, ou mort, ou déserteur ?

Enfin un gai soleil dissipa ce nuage :
Une lettre arriva, laconique message,
Où le cher exilé, libre de ses liens,
N’écrivait que ces mots : attendez, je reviens.


II


Ainsi de le revoir désormais prévenue
Sa mère tous les soirs préparait sa venue…
Ce soir là, bon souper, bon lit, feu bienfaisant,
Étaient prêts à fêter le retour de l’absent.
On avait retiré de l’armoire si grande
Les draps blancs parfumés de thym et de lavande ;
Quelques couverts d’argent à table furent mis :
D’antiques chandeliers longtemps ensevelis
Sous une gaze fine, en festons terminée,
Ornaient étincelants, la haute cheminée :
Dans l’ombre un Christ d’ivoire, un petit bénitier
Semblaient les talismans de ce simple foyer.

Tandis que la maison s’agitait préparée
Au retour du soldat, froide était la soirée.