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LE SILO

Avec l’aide d’en haut tu guériras bien vite ;
Un doux repos t’attend sous le toit qui t’abrite ;
Des horizons meilleurs devant toi vont s’ouvrir
Nous te verrons heureux.
Nous te verrons heureux. — Vous me verrez mourir.
Ne pleurez point, il faut vous faire à cette idée :
Entre le ciel et moi c’est chose décidée.
Eh bien, j’ai tant souffert que je dirai : Merci.
Écoutez maintenant ce qui m’a fait ainsi :

— Le Silo… c’est un trou de forme circulaire
Que dans les camps d’Afrique on creuse dans la terre ;
Étroit à l’orifice et large par le fond :
Tantôt brûlant, tantôt glacé — sombre, profond.
Une trappe sinistre, une gueule béante
Qui saisit une proie et l’engloutit vivante !
Un cercle ténébreux où l’homme jeté seul
Semble un mort oublié, sans croix et sans linceul ;
Car on vous descend là de la même manière
Qu’au profond du sépulcre on descend une bière.

— Quoi ! cria le vieillard, n’exagères-tu pas ?
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
Qui donc ose créer un droit de préséance
Pour hâter de la mort l’inflexible échéance ?
Seigneur ! mettre en un trou, dans l’ombre d’un caveau,
Ceux qui doivent mourir à l’ombre du drapeau !
Et pas un cri d’appel, comme un poignant qui vive !
En traversant la mer vers nos foyers n’arrive !
La Méditerranée, en agitant ses flots,
Couvre-t-elle les cris qui sortent des Silos ?

— Vous dites vrai, mon père — et cependant des hommes
Entrés là vigoureux, en sortent des fantômes ;